On peut afficher un score de conformité hors du commun, comme à Singapour, et vivre sous un plafond bas pour la liberté d’expression. À l’inverse, le Costa Rica n’a pas d’armée, mais s’impose année après année comme l’un des rocs politiques les plus stables de la planète. Ces écarts entre image internationale et réalité institutionnelle se retrouvent dans une multitude de classements mondiaux.
L’indice de démocratie, mis à jour chaque année par The Economist Intelligence Unit, examine plus de 160 pays à travers une grille précise. Les résultats de 2020 dévoilent, une fois de plus, des contrastes saisissants, y compris là où l’on s’attendrait à trouver des modèles, comme dans des zones en mutation.
L’indice de démocratie : définition et enjeux pour comprendre le respect institutionnel
L’indice de démocratie conçu par l’Economist Intelligence Unit s’est imposé comme référence mondiale pour juger de la démocratie dans le monde. Sa force : ne pas s’arrêter à la façade des scrutins. Il passe au crible le fonctionnement du gouvernement, le pluralisme, les droits civiques, la participation et la culture politique. En résultent chaque année des scores sur 10, attribués à plus de 160 pays, qui témoignent des avancées ou des reculs démocratiques.
Le classement distingue quatre types de régimes : démocraties pleines, démocraties imparfaites, régimes hybrides et régimes autoritaires. Ce découpage permet de saisir la diversité des situations réelles. Un processus électoral existe parfois sans que la pluralité ou l’expression citoyenne ne soient garanties. Difficile, donc, de se contenter d’un scrutin pour parler de démocratie.
Au cœur de l’indice, la question du respect institutionnel s’impose. Elle mesure la capacité des institutions à défendre la liberté d’expression, protéger les minorités, et encourager le dialogue entre société civile et pouvoir politique. Aujourd’hui, plus de la moitié de la population mondiale vit sous des régimes qui n’atteignent pas le seuil démocratique. Pourtant, l’Europe du Nord caracole en tête, alors que d’autres régions, comme l’Afrique subsaharienne ou l’Asie centrale, peinent à progresser.
Ce classement n’est pas qu’un palmarès. Il agit comme un miroir, parfois brutal, des fractures démocratiques. Il révèle les tensions entre le respect des règles, la participation politique et la réalité d’un pluralisme vivant.
Quels critères déterminent le classement des pays selon leur niveau de démocratie ?
Pour bâtir ce panorama du niveau de démocratie à l’échelle internationale, l’Economist Intelligence Unit s’appuie sur une structure robuste. Voici les cinq piliers qui guident l’analyse :
- processus électoral et pluralisme
- fonctionnement du gouvernement
- participation politique
- culture politique
- libertés civiles
Chacun de ces axes permet de différencier démocraties pleines, démocraties imparfaites, régimes hybrides et régimes autoritaires. Le processus électoral, en particulier, est scruté dans le détail : pluralisme, transparence, sincérité du vote. La participation politique n’est pas oubliée : il s’agit d’observer la mobilisation citoyenne, l’inclusion des minorités, l’accès effectif aux droits.
La culture politique prend tout son sens dans ce classement. Elle questionne l’adhésion collective aux valeurs démocratiques et la capacité à contester l’autorité sans violence. Quant au fonctionnement du gouvernement, il s’évalue à la lumière de la séparation des pouvoirs, de l’indépendance judiciaire, du contrôle démocratique des institutions. Les libertés civiles, s’exprimer, se réunir, informer, constituent le socle du respect démocratique.
Au final, chaque pays reçoit un score global sur 10, et rejoint l’une des quatre catégories : démocratie pleine, démocratie imparfaite, régime hybride ou régime autoritaire. L’analyse est nuancée : de nombreux États ne garantissent pas l’ensemble des libertés fondamentales, une réalité qui concerne aujourd’hui la moitié de la population mondiale.
Classement mondial 2020 : panorama des pays les plus démocratiques et des évolutions récentes
Le classement 2020 des pays classés par niveau de respect dans le monde trace des frontières nettes. L’Europe du Nord domine sans surprise : Norvège, Islande et Suède s’approchent du score parfait. La Nouvelle-Zélande rejoint ce groupe de tête, prouvant que les démocraties pleines ne se limitent pas à l’Europe.
En Afrique subsaharienne, la situation reste morcelée. Le Botswana et le Ghana font figure de rares exceptions, s’intégrant dans la catégorie des démocraties imparfaites au sein d’une région où dominent les régimes hybrides ou autoritaires. Dans des pays comme le Burkina Faso, le Zimbabwe, la République démocratique du Congo, le Niger ou le Mozambique, les libertés fondamentales restent sous pression. Instabilité politique et crises institutionnelles freinent toute avancée.
Côté Amérique latine, l’Uruguay se démarque largement, alors que le Nicaragua, Cuba ou le Honduras incarnent la persistance de systèmes fermés. La France se situe dans la zone des démocraties imparfaites, marquée par des tensions sociales et des critiques sur ses institutions.
Le Moyen-Orient et l’Asie du Sud offrent un constat plus sombre : la Syrie, le Pakistan, le Sri Lanka, le Bangladesh, le Burundi ou le Guatemala connaissent restrictions, conflits ou fragilité institutionnelle. À travers le globe, la carte des démocraties reste mouvante : chaque point du classement reflète les tensions, les avancées, mais aussi la fragilité de l’équilibre entre droits, gouvernance et contestation.
Limites de l’indice et conséquences sur les relations internationales
L’indice de démocratie signé Economist Intelligence Unit éclaire de nombreux angles morts, mais ne règle pas toutes les complexités. Les critères choisis, fonctionnement du gouvernement, pluralisme, participation politique, libertés civiles, sont avant tout construits selon une perspective occidentale. Cette vision comporte ses failles face à la diversité des régimes hybrides, la multiplicité des histoires nationales et l’héritage de systèmes politiques hors Europe.
En attribuant un score à chaque pays, l’indice gomme parfois la singularité des contextes locaux. Il arrive qu’un régime autoritaire obtienne une meilleure note qu’une démocratie imparfaite dès lors que la stabilité institutionnelle pèse plus dans la balance que la liberté d’expression ou la participation citoyenne. Cette réalité alimente les débats sur la pertinence du classement, ses raccourcis et l’impact diplomatique qui en découle.
Voici quelques effets concrets de ces classements sur la scène internationale :
- Stigmatisation de certains pays, souvent utilisés comme repoussoirs lors de débats mondiaux.
- Pressions exercées lors de négociations bilatérales ou multilatérales, parfois invoquées pour légitimer des sanctions économiques ou des conditionnalités.
- Renforcement des liens entre régimes qui défendent des modèles alternatifs, désireux de protéger leur souveraineté face à une norme jugée imposée.
Comparer le fonctionnement du gouvernement, la structure des institutions et la réalité des libertés politiques, c’est tenter de lire une mosaïque en mouvement. La population mondiale subit les conséquences de ces classements, qui servent tour à tour de boussole, de levier d’influence ou d’outil d’exclusion sur la scène internationale. Le tableau évolue, mais la question reste entière : jusqu’où un classement peut-il rendre compte de la complexité vivante des sociétés ?


